
Oui au progrès – mais avec circonspection!
Après son quarantième anniversaire, Simon Schaffner s'est offert un nouveau départ professionnel: au lieu de fabriquer des couronnes dentaires, il est retourné sur les bancs de l'école. Désormais, il est physiothérapeute et n'a jamais regretté d'avoir osé franchir le pas.
Texte et photos: Fabienne Reinhard
Simon Schaffner aime travailler avec ses mains. Chez lui, l’électroménager en panne ne finit pas à la poubelle: il est démonté et réparé. Une qualité qui sied à merveille à un prothésiste dentaire. Pourtant, aujourd’hui, le quinquagénaire n’exerce plus le métier auquel il avait été initialement formé. Il est à présent physiothérapeute au sein du cabinet Aemme fit de Burgdorf.
«J’ai aimé travailler en tant que prothésiste dentaire, c’est un beau métier. Mais les conditions de travail ne me convenaient plus», explique-t-il. Selon lui, la technique dentaire avait pris une direction avec laquelle il n’était plus en accord: hausse de la pression tarifaire exercée par les pays étrangers, baisse de la reconnaissance envers le travail artisanal. Raison pour laquelle il a opté pour une réorientation professionnelle en 2014. La sœur de sa compagne, qui suivait alors une formation de conseillère en orientation professionnelle, a fait de lui son «cas d’étude». Des tests et des questionnaires ont confirmé ce que Simon Schaffner savait déjà: le métier de technicien dentaire était parfait par lui. La physiothérapie est arrivée en deuxième place. Rien d’étonnant à cela, car c’est un homme qui aime bouger. Outre les voyages et la cuisine, la randonnée et l’escalade font partie de ses passe-temps préférés. «La physiothérapie allie ma passion pour l’activité physique à mon souhait de renforcer mes contacts sociaux au travail», précise le physiothérapeute. Grâce à son activité annexe d’instructeur de fitness, il avait déjà eu quelques contacts avec la physiothérapie chez son employeur. Sa voie était donc toute tracée.
À 40 ans, Simon Schaffner a passé sa maturité professionnelle afin de pouvoir débuter des études de physiothérapie à la Haute École Spécialisée bernoise (BFH). Du haut de ses 41 ans, il était l’étudiant le plus âgé de sa promotion. «Mon âge n’a eu aucune incidence. Les physiothérapeutes ont les mêmes intérêts – ils sont ouverts d’esprit, communicatifs et intéressés par autrui», se souvient-il. Il note malgré tout quelques différences, notamment en termes de contact avec la patientèle: «Les sexagénaires sont souvent plus méfiants envers les jeunes physiothérapeutes. Contrairement à eux, je n’avais pas à faire mes preuves au début.» Cela s’est démontré également pendant ses stages: «Les patient·e·s s’adressaient directement à moi au lieu de se tourner vers mes tuteur·rices ou vers les médecins», raconte-t-il avec un sourire.
Une réorientation professionnelle à cet âge apporte son lot de difficultés. «Quatre années sans salaire, c’est long, et les indemnités de stage ne sont pas élevées», déplore-t-il. Sans le soutien de sa compagne, il aurait même été contraint de souscrire un crédit. Ses revenus annexes d’instructeur de fitness ne constituaient qu’une goutte d’eau dans l’océan, et ses économies ont vite fondu. Au passage, pour ce qui est de l’aspect financier, il avait peu réfléchi au préalable à ses prétentions salariales en tant que physiothérapeute. «Je viens d’une banche où les salaires sont très bas. Ce n’était pas un critère déterminant pour moi.»
En novembre 2020, Simon Schaffner a commencé sa carrière de physiothérapeute. «Pendant ma formation de physiothérapeute, le cabinet Aemme fit m’avait déjà assuré qu’un poste m’attendait», déclare-t-il avec un clin d’œil, sachant que les physiothérapeutes sont très demandés. Les débuts ont été prometteurs, mais intenses: «En stage, je n’étais pas habitué à recevoir 16 patient·e·s par jour», avoue l’ancien prothésiste dentaire. Toutefois, pendant le Covid-19, l’activité s’est réduite, ce qui a contribué à faciliter son début de carrière. Enfin, en raison de la bonne collaboration entre le centre de fitness et le cabinet de physiothérapie, il avait déjà eu un bon aperçu du travail des physiothérapeutes en tant qu’instructeur de fitness. Il savait donc où il mettait les pieds.
Dans son nouveau métier, il apprécie en particulier la liberté dont il dispose: «Je peux intégrer mes propres réflexions dans le traitement et échanger avec l’équipe lorsque je suis à court d’idées.» En revanche, il trouve que le rythme de travail soutenu avec les patient·e·s est éprouvant: «De nombreux physiothérapeutes travaillent uniquement à temps partiel, voire jettent complètement l’éponge.» Il a d’ailleurs lui-même opté pour un poste à 80 %. Pour compenser, il continue de travailler en tant qu’instructeur de fitness à hauteur de 10 %. «J’apprécie de m’entraîner avec les gens sans avoir à réfléchir aux phases de cicatrisation», confie-t-il avec un clin d’œil. Toutefois, travailler uniquement en tant qu’instructeur de fitness ne lui serait jamais venu à l’esprit. «À plus long terme, cela ne m’apporterait pas assez de satisfaction. À la fin de ma journée, j’aime avoir le sentiment d’avoir vraiment apporté quelque chose aux autres.»
Lui aussi a envie de progresser. En novembre dernier, il a obtenu le CAS de physiothérapeute du sport afin d’approfondir ses connaissances dans le domaine. «La formation de base est bonne et complète, mais elle ne peut que survoler certains aspects», estime-t-il. Pour le moment, ce n’est pas sa carrière qui figure au centre de ses préoccupations, mais un voyage de six mois en Amérique et au Canada. «Je ne suis pas carriériste», concède le physiothérapeute. Pour lui, les voyages et ses passe-temps sont tout aussi importants que le travail. «Ils me procurent l’énergie dont j’ai besoin pour me donner à fond dans mon travail et accompagner au mieux mes nombreux·ses patient·e·s.» En échange, sa patientèle se montre très reconnaissante envers lui – une valorisation que la technique dentaire ne pouvait pas lui apporter. Sa reconversion dans la physiothérapie? Simon Schaffner n’a l’a jamais regrettée!
Étudier encore à 40 ans? Simon Schaffner est loin d’être le seul à avoir osé prendre un nouveau départ. Ces cinq étudiant·e·s prouvent eux aussi qu’il n’est jamais trop tard.
Jessica Cornut (40 ans) – De la restauration à la physiothérapie Haute École Spécialisée de Suisse Occidentale (HES-SO), 2022 – 2025 Après avoir débuté sa carrière dans la restauration, Jessica Cornut, alors âgée de 30 ans, a opté pour une reconversion professionnelle et a suivi une formation d’auxiliaire de santé. À l’époque, elle lorgnait déjà sur les études de physiothérapie: après s’être penchée sur les possibilités offertes dans le secteur de la santé, la physiothérapie s’est clairement imposée à elle. Elle aime le contact avec les patient·e·s et le fait que son travail contribue à améliorer durablement leur qualité de vie. En revanche, le financement des études représente pour elle une charge conséquente. Son mari en assume la majeure partie et elle travaille à l’occasion en tant qu’auxiliaire de santé. Heureusement, son employeur s’adapte à ses disponibilités. «Mes camarades me voient un peu comme la ‹maman› de la classe», déclare cette mère de deux adolescents. Par conséquent, après les cours, sa journée n’est pas terminée pour autant. Bien qu’elle se distingue un peu de nombreux·ses jeunes étudiant·e·s en raison de son expérience de la vie, tous et toutes se complètent et se soutiennent mutuellement pendant leurs études. «À long terme, j’aimerais me spécialiser en soins à domicile, et plus spécifiquement travailler avec les personnes âgées et les patient·e·s en soins palliatifs», annonce Jessica Cornut. Elle aspire également à former les proches aidants afin qu’ils gagnent en assurance lors des soins quotidiens. | ![]() |
Julia Meyer (39 ans) – L’activité physique plutôt que l’économie d’entreprise Haute école spécialisée bernoise (BFH), 2022 – 2025 Après une carrière couronnée de succès dans la finance et la gestion d’entreprise, Julia Meyer s’est présentée à l’examen d’admission en physiothérapie à l’âge de 36 ans. Malgré son intérêt certain pour le corps humain, il lui a fallu du temps pour trouver le courage de poursuivre son rêve initial. Aujourd’hui, elle est convaincue d’avoir pris la bonne décision: «Le moment où les patient·e·s découvrent qu’ils peuvent influer sur leur propre santé n’a pas de prix.» Pour elle, la physiothérapie ne se limite pas aux soins: «C’est un accompagnement vers une meilleure qualité de vie.» Pour pouvoir financer ses études, elle pioche dans ses économies et réduit ses dépenses au strict minimum. Pendant les stages, la charge financière constitue toutefois un défi. «Heureusement, mon entourage me soutient et je suis bien aidée à la maison», précise-t-elle. Si son âge n’a pas d’incidence sur son quotidien d’étudiante, Julia Meyer a toutefois eu un ressenti un peu étrange au début: «Nous sommes tous dans le même bateau», lance-t-elle en riant. À long terme, elle ambitionne d’ouvrir son propre cabinet, dans la droite lignée de son parcours professionnel actuel. Elle s’imagine proposer des services dans le secteur psychiatrique ambulatoire. | ![]() |
Markus Rätz (47 ans) – De l’ingénierie à la physiothérapie Haute École Spécialisée de Suisse Occidentale (HES-SO), 2022 – 2025 Markus Rätz a débuté sa carrière dans l’électrotechnique en qualité d’ingénieur en développement. Quand il a perdu son travail pendant la pandémie de Covid-19, il s’est rendu compte qu’il ne voulait plus exercer cette profession. «Mon licenciement a été la meilleure chose qui me soit arrivée», confie-t-il a posteriori. L’activité physique et le sport ont toujours fait partie de sa vie. À l’issue d’un pré-stage en physiothérapie au Centre hospitalier Biel-Bienne, il a eu une révélation: «C’est la nouvelle voie que je veux suivre!» Il apprécie d’accompagner les patient·e·s dans leur rééducation physique. «La physiothérapie est un métier qui a du sens», estime-t-il. Pour financer ses études, il peut compter sur ses économies, sur des emplois en intérim dans le BTP pendant l’été et sur les revenus de son épouse. Les réactions des autres étudiant·e·s vis-à-vis de son âge sont très positives – il est considéré comme un étudiant «normal», même s’il se distingue par son expérience de la vie. En effet, contrairement à bon nombre de ses camarades qui sont encore en pleine orientation professionnelle, il a déjà une longue carrière derrière lui. Après ses études, il envisage de faire ses premières armes dans la profession avant d’évoluer par la suite via des formations complémentaires. Reste à savoir dans quelle direction et dans quelle mesure! | ![]() |
Julia Ng Chin Yue (39 ans) – Quand la création artistique rencontre la santé Haute École de Santé Vaud (HESAV), 2023 – 2026 Après avoir constaté que son métier de conceptrice multimédia ne correspondait plus à ses valeurs, Julia Ng Chin Yues a trouvé sa vocation dans la physiothérapie. Elle apprécie l’approche globale qui allie des aspects biomédicaux, psychologiques et sociaux, ainsi que le recours à des méthodes naturelles, telles que les thérapies manuelles. La possibilité d’adapter des approches de traitement créatives aux besoins individuels des patient·e·s l’enchante. En tant que mère de deux jeunes enfants, elle ne peut pas travailler parallèlement à ses études, raison pour laquelle son mari supporte la famille sur le plan financier. Elle critique le manque de soutien financier apporté aux étudiant·e·s en physiothérapie et les règles strictes en matière d’octroi de bourses: «C’est d’autant plus frustrant quand on sait que les métiers de santé, dont la physiothérapie, sont très demandés et que la Suisse sera très prochainement confrontée à une pénurie de recrues dans ce secteur.» Bien qu’elle n’ait pas encore élaboré de plans d’avenir concrets, elle s’intéresse à la santé des femmes et à la prise en charge des douleurs chroniques. Elle souhaite acquérir de l’expérience dans le domaine des soins aigus et exercer par la suite en indépendante, idéalement au sein d’un cabinet pluridisciplinaire. Enfin, elle considère également que la formation continue est essentielle pour rester au fait des dernières évolutions. | ![]() |
Sylvie Koller (44 ans) – La santé plutôt que la pharmacie Haute Ecole Arc Santé (HE-Arc), 2024 – 2027 Pendant sa jeunesse, Sylvie Koller a eu quelques expériences avec la physiothérapie qui l’ont sensibilisée à la profession. À l’issue de sa formation d’assistante en pharmacie en 1998, elle s’était déjà intéressée au cursus. Il lui a toutefois fallu des années pour oser se réorienter professionnellement, une fois ses enfants devenus grands. «Il n’est jamais trop tard pour changer de voie, surtout quand on est motivé», estime-t-elle. Sa motivation, elle la puise au contact des patient·e·s et dans sa volonté de leur venir en aide. Elle se dit particulièrement séduite par les multiples facettes de la profession et par la possibilité d’apaiser les souffrances et d’améliorer le bien-être des patient·e·s. Même si ses premiers pas d’étudiante ont été éprouvants, elle estime être bien acceptée par ses camarades plus jeunes. «Je ne me suis jamais sentie mise à l’écart à cause de mon âge», explique-t-elle. Au contraire, ses échanges avec ses condisciples l’enrichissent. Selon elle, il n’existe pas de distinction professionnelle avec les autres étudiant·e·s: «Chacun a son propre parcours personnel et professionnel.» Pour le moment, elle se concentre essentiellement sur l’obtention de son diplôme. Plus tard, elle s’imagine bien se spécialiser, par exemple en neurologie ou dans l’accompagnement périnatal. | ![]() |